« C’est une chose étrange, de voir avec quelle sorte d’ardeur fébrile les américains poursuivent le bien-être et comme ils se montrent tourmentés, sans cesse par une crainte vague de n’avoir pas choisi la route la plus courte qui peut y conduire.
L’habitant des États-Unis s’attache aux biens de ce monde, comme s’il était assuré de ne point mourir.
Il met tant de précipitation à saisir ce qui passe à sa portée, qu’on dirait qu’il craint à chaque instant de cesser de vivre, avant d’en avoir joui.
La mort survient enfin et elle l’arrête avant qu’il ne se soit lassé de cette poursuite inutile d’une félicité complète qui fuit toujours ».

C’est ainsi qu’Alexis De Tocqueville, célèbre juriste et penseur du milieu du dix-neuvième siècle, dépeignait les Américains à l’époque des pionniers.

J’ai trente ans.

Lorsque j’étais encore enfant, mon Amérique à moi se dévoilait naïvement sous les traits de héros joués par des pointures telles que John Wayne, Gary Cooper ou Steve Mc Queen et je ne connaissais alors rien à sa jeune histoire, si ce n’est qu’un certain Christophe Colomb et un certain Amerigo Vespucci en avaient découvert les rivages quelques siècles à rebours.
La tour infernale était en feu, les indiens étaient les méchants.

Mon hommage personnel à la tour infernale, le film qui m'a pour la première fois marqué et qui m'a ouvert au septième art.

Les flics ne se prenaient pas encore au sérieux, à bord de leur longue voiture rouge zébrée d’un ruban blanc.
Des envahisseurs, venus de l’espace, se frottaient à la résistance et avalaient des rongeurs en guise de déjeuner.
James West et son ami Arthemus Gordon élucidaient des mystères à la pelle, Casimir préparait son gloubiboulga et Goldorak sauvait la planète, menacée par les golgots.
C’était le bon vieux temps.

A l’époque, jeune habitant d’une paisible bourgade du nom de Jungholtz (Alsace), je n’excellais pas en classe.
A vrai dire, les professeurs me prédisaient un avenir très approximatif.
Mes notes tombaient en désuétude, je me foutais de tout, comme nombre d’adolescents réfugiés dans le mépris des institutions et des règles parentales, tandis que les miens se tiraient les cheveux dans tous les sens.
Pourtant, l’Amérique et ce qui s'y rapportait avait la faculté presque magique de me rendre attentionné et allait jusqu’à calmer les ardeurs toutes juvéniles qui étaient les miennes.

Je passais, dès lors, des séries cultes de la NBC (dont ma préférée restera sans doute La petite maison dans la prairie), aux livres sur la guerre de sécession et aux programmes du National Geographic diffusés à la télévision qui dévoilaient d’invraisemblables images de paysages, volés aux plus grands westerns et je rêvais… je rêvais de grandes étendues et de stars hollywoodiennes.
Deux rêves bien distincts mais réels.

Une passion voyait le jour, alors que deux autres, tout aussi dévorantes, allaient poindre le bout de leur nez, posant les rails d’un possible et futur destin : le cinéma et l’écriture.
Rien ne me prédisposait alors à l’écriture ou au goût de la découverte des gens et des genres, à la découverte de dons dont j’ignorais à même l’existence.
Mais la vie est elle même une découverte de tous les instants imprégnés de surprises, non ?

Si ce site n’est en aucun cas un prétexte à raconter une période de ma vie somme toute banale, il n’en est pas moins important de retracer (je pense), très brièvement les bases du parcours, car tout vient à point à qui sait attendre (dit-on) et même si je ne suis pas encore arrivé au bout de mes peines, mon Dieu ce que le temps parait long quand on attend.

Je dus attendre longtemps jusqu’à me sentir suffisamment prêt et responsable pour entreprendre un premier périple (sans grande préparation), dans une mégalopole comme Los Angeles.
D’une manière générale, les moqueries qui fusaient vers moi lorsque j’invitais quelques incrédules à partager mes ambitions (déjà bien ancrées, dès l’âge de douze ans) me laissaient de glace.
Mes "amis" d’alors n’avaient d’autres ambitions que de travailler à la chaîne et avaient la vue psychologiquement basse, tout en jalousant leurs contemporains et je ne voyais en cela rien de mal, mais les miennes étaient d’un tout autre genre.

Tourner sans cesse ces regards vers Hollywood semblait bien grotesque et futile à cette époque là.
De plus, cela nécessitait rien de moins qu’un CV bien fourni et des études bétons, mais le doux rêveur que j’étais allait devoir miser sur autre chose…
Je ne savais pas encore ce que cela serait, mais un jour de mai 1999... je compris…du culot , de la persévérance et beaucoup de patience.

Au fil des années, poussé par le regret de n’avoir pas assez travaillé à l’école, je décide de m’intéresser à tout ce qui me tombe sous la main (et les yeux).
Le français, une matière noble, une langue de poète infiniment belle (mais complexe) pourrait me servir plus qu’aucune autre chose dans la vie, j’en étais intimement persuadé.
Le retard était conséquent, mais n’est-ce pas en forgeant que l’on devient forgeron ?
Peu à peu, le terme autodidacte prit tout son sens et l’heure du réveil sonna enfin (trop tard diront certains, aujourd’hui hypocritement complaisants devant les premiers résultats du fils de contremaitre que je suis).

Toujours affairé entre deux devoirs ou à l’écriture de romans bidons (faites à la demande de quelques rares bons copains), je prends le taureau par les cornes et téléphone à quelques agences de stars hollywoodiennes, leur proposant mes maigres (et virtuels) services dans un anglais très barbare.
Évidemment, et à juste titre, mes interlocuteurs me raccrochèrent au nez, mais les dédicaces personnalisées affluèrent avec de petits mots d’encouragement : Paul Newman ou Kevin Spacey (par exemple).

Ce premier contact avec la grande Amérique allait me combler de joie, pourtant les choses ne pouvaient en rester là.