Il est probable que dès le 17e siècle, les seigneurs de Jungholtz aient permis aux Juifs qu'ils avaient pris sous leur protection,de célébrer leur culte dans une de leurs maisons. Lorsqu'en 1664, Koppel Dreyfus de Guebwiller fut accusé d'avoir exercé publiquement son culte dans sa maison en présence de Juifs non-domiciliés dans la ville, alors que seul l'exercice privé de ce culte (privata exercitia) en présence de sa famille et domesticité lui était permis,il déclara pour sa défense,qu'avant l'invasion suédoise, les Juifs de la principauté de Murbach avaient célébré publiquement leur culte aussi bien à Bergholtz qu'à Uffholtz et à Hésingue.

La "Judenordnung" publiée en 1623 dans les terres de l'évêque de Strasbourg, donc en vigueur à Soultz, interdisait certes aux Juifs de l'Evêché toute "synagogue ou école publique", mais les autorisait à "faire donner l'instruction (religieuse) à leurs enfants dans leurs maisons" et d'y célébrer leurs cérémonies et fêtes à condition que cela ne soit pas fait publiquement, mais en privé et dans la plus grande discrétion. Les seigneurs laïques furent certainement plus tolérants dans ce domaine que l'abbé de Murbach et l'évêque de Strasbourg. Ainsi,à Bollwiller, fief de la famille de Rosen qui rouvrit les portes du bourg aux Juifs après la guerre de Trente Ans, il est fait mention d'une synagogue dès 1672, un an après que les Juifs d'Uffholtz (dans la principauté ecclésiastique de Murbach) furent accusés de "tenir une synagogue" clandestinement.

Le 9 février 1672, un certain Elias fut condamné à une amende pour avoir battu et malmené Schey Brunschweig "in der synagog", circonstance aggravante.Dans le même village, en 1679, la femme d'un rémouleur assista à une circoncision pratiquée chez (ou par?) le Juif Mochy : son mari irrascible ayant fait irruption dans la maison où se pratiquait cette cérémonie, il fut copieusement rossé par les participants, qui prirent la défense de leur invitée chrétienne.Une telle "promiscuité" entre Juifs et Chrétiens était alors inimaginable dans les terres de l'évêque de Strasbourg, dont le "règlement" édicté en 1623 interdisait explicitement aux Juifs de convier des Chrétiens à leurs circoncisions, fêtes des Tabernacles ou danses ou même "de se trouver avec les Chrétiens aux cabarets et de manger et jouer avec eux".

En 1683, il est question toujours à Bollwiller, d'un "Jüdischen Schulmeister" du nom d'Isaac Abraham (nom que l'on retrouve à Jungholtz au début du siècle suivant) : ce "maître d'école" ou rabbin (le terme allemand avait les deux sens) fut maltraité par un de ses coreligionnaires irrascible, qui venait d'être condamné à une amende par le rabbin de Brisach. Rappelons que c'est en 1681 que le rabbin Aaron Worms de Metz avait été installé à la tête du judaïsme alsacien avec juridiction sur la haute et basse Alsace et siège à Saint-Louis-les-Brisach.

Avant et après ce premier rabbin provincial nommé par le roi de France, nouveau maître du pays, il a dû y avoir d'autres grands rabbins dont l'autorité était reconnue par les communautés d'Alsace : les "Memorbücher" de Nidernai et de Haguenau citent notamment Simon Blum, qui avait commencé sa carrière de circonciseur à Jungholtz. Il est possible que ce rabbin-circonciseur ait habité à Jungholtz avant de se réfugier à Guebwiller chez son beau-père Gabriel Bloch pendant la guerre de Hollande, puis de s'établir à Wattwiller en 1677 et à Uffholtz en 1680, enfin à Soultz vers 1689. Dans cette dernière ville (dont Jungholtz n'était qu'un hameau), la communauté chrétienne se plaignit à l'Intendant d'Alsace à la fin du siècle que les Juifs avaient établi dans une des huit maisons bourgeoises ("des meilleures et des plus belles de la ville") qui leur appartenaient : "une synagogue,où s'assemblent la plupart des Juifs du voisinage aux jours de leurs cérémonies, en sorte que ladite ville serait fort souvent pleine de cette race" ...

Parmi les Juifs du voisinage qui fréquentaient la synagogue de Soultz à la fin du 17e siècle, il y avait certainement ceux de Jungholtz,qui n'étaient sans doute pas encore assez nombreux pour avoir leur propre lieu de culte. Soultz avait un rabbin communal dès 1711 en la personne de Hirtz Reinau, fils de Lehmann Reinau, dont la maison, rue des Bouchers, était sans doute la synagogue en question (voir notre illustration).

L'ancienne synagogue de Jungholtz, encore connue sous le nom de"Judaschuäl" (école des juifs). Dès le début de ce siècle, l'administration du cimetière israélite de Jungholtz avait loué le bâtiment désaffecté à deux familles qui occupaient chacune un étage. D'importants travaux de restauration avaient précédé cette reconversion du bâtiment (M. Ginsburger, Der israelitische Friedhof in Jungholtz, 1904, p. 17). La maison appartient toujours à la communauté juive et est louée à des particuliers. Selon M.Rothé et M.Warschawski (Les synagogues d'Alsace et leur histoire, Jérusalem, l992),"vers le milieu du XVIIIe siècle, de nombreux Juifs vinrent s'établir à Jungholtz.Une synagogue et une école talmudique y furent ouvertes.Il ne reste de nos jours que le bâtiment de la yeshiva" (p.169). En réalité,le bâtiment en question a servi dès l'origine aussi bien de synagogue que d'école.
Bien qu'en 1726, par décision du roi semble-t-il, le Conseil Souverain d'Alsace ait ordonné la démolition des synagogues de Wintzenheim, Hagenthal et Biesheim et "fait défenses aux Juifs d'en bâtir dans le ressort, sous peine de punition corporelle", les constructions de synagogues se poursuivirent en Alsace au 18e siècle. Cinq ans après l'arrêt de 1726, les Juifs de Jungholtz contournèrent l'interdiction qui leur était faite en faisant construire leur synagogue par leur seigneur. Le 30 mai 1731, le baron François-Melchior de Schauenbourg non seulement donna en location à la communauté juive du "bourg" (Flecken) une synagogue située dans la "grande rue des Juifs" - "eine Sinagoge in alhiesigem Flöcken vorne an der grossen Judengassen", mais encore il s'engagea à la faire construire à ses frais au préalable et à la livrer clé en main à ses locataires





 

pour plus d'ifos sur ce sujet :   http://judaisme.sdv.fr/synagog/hautrhin/g-p/jungholt.htm